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13 mars 2025

Allemagne : un programme de défense et de relance, peu porté sur l’écologie

Analyse de Mireille Clapot, ex-vice-présidente de la Commission des Affaires étrangères de l’Assemblée Nationale, ex-membre de l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe.

Moins de 14 jours après les résultats des élections allemandes, dans un délai record - bienvenu en ces temps de bouleversements internationaux et d’urgence européenne ! -, la coalition CDU/ CSU/ SPD a présenté un texte de gouvernement le 8 mars 2025. Certes provisoire, ce texte veut répondre aux défis de l’Allemagne, aux difficultés qui ont tant fait progresser l’extrême-droite et douter les Allemands. Situation économique dégradée après deux années de récession, instabilité internationale due à l’invasion russe à grande échelle de l’Ukraine commencée en février 2022, fracture Est-Ouest avec un fort sentiment de déclassement dans les Länder orientaux, dépendance énergétique aux fossiles et aux importations... l’Allemagne est consciente de ses faiblesses.

Le programme en cinq points présenté par la coalition a retenu l’attention car il brise un tabou : le plan massif d’investissements, destiné aux infrastructures et au réarmement du pays, s’accompagne d’une exemption des dépenses de défense du « frein à l’endettement », inscrit dans la Constitution, lorsqu’elles dépassent 1 % du PIB.

L’objectif de 100 milliards d’euros par an de dépenses militaires marque donc une rupture historique avec les dernières décennies de retenue budgétaire en matière militaire.

L’autre mesure phare concerne la création d’un fonds de 500 milliards d’euros sur dix ans, destiné aux infrastructures négligées depuis des années telles que les ponts, le transport ferroviaire ou les écoles, afin de relancer une économie en récession depuis deux ans.

Enfin, durcissement migratoire et politique sociale, garanties données respectivement aux conservateurs et aux sociaux-démocrates, complètent le tableau.

Mais Les Verts, qui sont dans la position difficile de soutenir un gouvernement sans y participer, ont réagi lundi 10 mars, en considérant qu’il y avait une grande absente de ce programme volontariste : c’est la politique de transition climatique.

Les questions d’écologie sont abordées par le volet 2 « Economie » : plan de captage et stockage du dioxyde de carbone (CSC), en particulier pour les émissions difficilement évitables du secteur industriel ; densification du réseau de base de transport d’hydrogène vers les centres industriels du sud et de l’est du pays ; création de marchés pilotes pour les produits neutres pour le climat, par exemple par le biais de quotas pour l’acier climatiquement neutre, d’un quota de gaz vert ou de prescriptions en matière de droit des marchés publics.

Globalement, l’engagement en faveur des objectifs climatiques est mentionné mais de façon générale : « Nous voulons combiner la protection du climat, l’équilibre social et la croissance économique de manière pragmatique et non bureaucratique. »

A l’approche de la 1ère session du Parlement devant concrétiser ces grandes lignes budgétaires, les Verts fustigent le fait que l’assouplissement des règles de discipline budgétaire ne profite qu’à la défense. Ils exigent d’investir davantage dans la protection du climat. La création d’un fonds de 500 milliards d’euros sur 10 ans destiné aux infrastructures, ne convainc pas non plus les Ecologistes, par crainte que ces milliards ne soient consacrés à faire des « cadeaux fiscaux » aux agriculteurs, aux automobilistes ou aux retraités.

A travers ce positionnement des Grünen, se reflète une préoccupation plus générale, que nous partageons : de quelle manière la nécessaire réorientation de nos politiques vers plus d’autonomie stratégique et plus de défense va s’articuler (ou non !) avec le maintien de politiques exigeantes en matière de transition écologique ? Car pendant ce temps-là, le changement climatique et la perte de biodiversité continuent à progresser.

A En Commun !, nous regardons donc de près les débats en Allemagne et les orientations prises par le pays le plus peuplé de l’Union Européenne, car il est possible qu’elles donnent le « la » aux orientations de ses voisins.